J. Plateau (Gennevilliers) : « Il faut densifier le port pour mieux répondre aux besoins de la métropole »

Jean Plateau, directeur du port de Gennevilliers, décrit l’ADN de cet équipement clé du Grand Paris, qui s’étend sur un tiers de sa commune d’accueil et dont le développement vertical est désormais envisagé, notamment face à l’évolution de la logistique et du e-commerce.

Quelle est aujourd’hui la place du port de Gennevilliers dans l’écosystème logistique francilien ?

Historiquement, ce port a été conçu par Fulgence Bienvenüe, qui a également construit le port de Bonneuil-sur-Marne. Ses deux premières darses existaient avant la 2e guerre mondiale mais le reste a été livré après-guerre. Aujourd’hui, il s’étend sur 400 ha, soit un tiers de la superficie de la ville de Gennevilliers. Ses six darses offrent 12 km de quai et le port compte également 20 km de voies ferroviaires qui permettent de desservir la plupart des parcelles. Il est connecté à l’A15 et à l’A86 et se situe à proximité de l’A1 et de l’A14, ainsi que de l’oléoduc Le Havre-Paris, qui achemine le pétrole vers Paris.

Concernant la voie d’eau, c’est le port le plus amont de la Seine accessible aux barges de 5 000 tonnes (soit environ 250 camions) alors que Paris ne peut être traversé que par des navires de moindre tonnage, de 2 000 à 3 000 tonnes. Nous sommes également accessibles en fluvio-maritime, avec des petits caboteurs de mer, jusqu’à 2 500 tonnes.

Jean Plateau. © Jgp

Vous aimez comparer le port de Gennevilliers au marché d’intérêt national de Rungis. Qu’est-ce qui rapproche, au final, ces deux plateformes ?

A l’image de Rungis, le port de Gennevilliers fonctionne comme un hub. A Rungis l’alimentaire et au port de Gennevilliers le reste, en quelque sorte, même si certains de nos clients font de la logistique alimentaire essentiellement dans le domaine des aliments secs. Nos grandes filières sont le BTP, la valorisation/recyclage, l’énergie et la logistique et la messagerie, qui permettent d’approvisionner à la fois les commerces dans Paris et le client final. A Gennevilliers, nous avons des clients comme GLS, DHL, La Poste ou Fedex qui assurent la livraison de colis depuis le port : certains, comme La Poste, disposent à la fois, sur le port, d’agences de livraison et de centres de tri les approvisionnant. Au total, nous avons 500 000 m² d’entrepôts sur le port de Gennevilliers.

Cette offre foncière est-elle aujourd’hui suffisante pour répondre aux besoins de vos clients ?

Il s’agit clairement d’un enjeu essentiel pour nous. Aujourd’hui, nous sommes à l’étroit par rapport à la demande de nos clients, alors nous devons réussir à densifier le port pour mieux répondre aux besoins de la métropole. Nous innovons en ce sens, à l’image de l’entrepôt à double étage ParisAir2 Logistic, unique en Europe. En réalité, nous faisons face à trois phénomènes : la croissance démographique qui accroît les besoins, l’évolution de la logistique avec des exigences de plus en plus fortes sur la livraison (à J+1, créneaux horaires précis, e-commerce), en lien également avec l’augmentation des prix du foncier qui oblige les commerçants à réduire leurs surfaces de stockage, et, enfin, une plus grande prise en compte des enjeux environnementaux, avec par exemple la mise en place des ZFE (zones à faibles émissions, ndlr).

Quels sont les atouts du port de Gennevilliers dans cette chaine logistique que vous décrivez ?

A Gennevilliers, nous n’avons pas que des flux qui arrivent par la voie d’eau. Certains de nos clients font de la logistique amont avec des acheminements par avion pour ensuite redistribuer leurs marchandises. En revanche, notre objectif est clairement d’augmenter la part des trafics qui passent par la Seine et plus globalement de favoriser une logistique verte et décarbonée. Le port de Gennevilliers est un hub de distribution et d’éclatement de la marchandise avant les derniers kilomètres.

Sur le port, nous avons par exemple le groupe Deret qui travaille pour des clients tels que Sephora ou encore les Galeries Lafayette et qui achemine sur le port depuis ses entrepôts d’Orléans des marchandises qui sont préparées et reconditionnées pour être distribuées ensuite dans Paris. Nous avons également des groupes comme Ikea ou France Boissons, qui livrent leurs points de vente dans Paris depuis le port. Le terminal conteneurs de Gennevilliers est le premier d’Ile-de-France. Les marchandises arrivent par la Seine depuis Le Havre, pour ensuite approvisionner les entrepôts en Ile-de-France et même au-delà, grâce à nos infrastructures multimodales.

A l’image de Rungis, le port de Gennevilliers fonctionne comme un hub. © Jgp

Une des six darses, avec l’A15 en arrière-plan. © Jgp

Les marchandises, dites-vous, arrivent parfois à Gennevilliers avant d’être redirigées vers des entrepôts hors de Paris pour finalement être redistribuées dans Paris ?

Les chaînes logistiques sont complexes. Quand vous achetez des produits (hors frais) chez Carrefour, l’essentiel passe par Le Havre, arrive à Gennevilliers dans des conteneurs et rejoint les entrepôts du groupe en Ile-de-France pour être ensuite redistribué dans les points de vente en centre-ville. C’est tout l’enjeu pour une plateforme comme Gennevilliers de permettre d’assurer cette chaîne logistique, performante et peu carbonée. Nous disposons d’une position centrale très efficace qui nous place à moins d’une heure de tous les points de livraison sur les créneaux où la circulation est faible.

Quels sont les secteurs d’activité qui utilisent le plus régulièrement la voie d’eau ?

Le secteur du BTP est très important car Gennevilliers sert de base arrière pour de nombreux chantiers parisiens. Lafarge, par exemple, utilise ce port comme hub de distribution pour livrer des granulats par voie fluviale dans Paris. Beaucoup de matériaux de construction arrivent par la Seine depuis la Normandie. Nous réceptionnons également des trains qui permettent d’acheminer des matériaux de construction et du ciment sur le port de Gennevilliers, au plus proche des chantiers. Depuis Gennevilliers, de nombreux acteurs du BTP sont implantés avec des stocks de granulats de ciments ou encore des centrales à béton et des centrales à enrobés.

Le secteur du recyclage occupe également une place importante sur le port…

L’économie circulaire est un domaine d’activité important pour le port. Tous les grands acteurs sont présents à Gennevilliers : Suez, Paprec, Veolia ou encore Derichebourg dans le recyclage des métaux. L’entreprise s’occupe notamment du recyclage des produits électro-ménagers. Sur une machine à laver, 95 % des composants sont recyclés L’essentiel est redirigé par la voie d’eau vers les usines sidérurgiques installées le long de l’axe Seine, voire à l’international, via des conteneurs qui prennent la direction du Havre. Un parfait exemple d’une chaîne vertueuse, au plus proche d’un bassin de consommation.

Le port de Gennevilliers est propriétaire de 400 ha de foncier et de 200 000 m² d’entrepôts sur les 500 000 m² implantés sur le domaine portuaire. Avez-vous encore les moyens d’accueillir de nouveaux acteurs ?

Le siège du port. © Jgp

Un espace comme celui-ci, au cœur de la métropole de Paris, est essentiel et même stratégique pour permettre une logistique performante et répondre, demain, aux exigences des consommateurs. L’important, désormais, est que les marchandises soient au plus près des consommateurs pour ensuite livrer de manière intelligente. Quand des terrains sont mis à disposition nous choisissons nos clients sur appels à projets avec des critères de sélection qui prennent en compte les choix logistiques, les aspects environnementaux ou encore les modes de livraison. Nos exigences sont fortes en matière de logistique vertueuse. Nous pouvons par exemple diviser un loyer par deux si l’exploitant s’engage à utiliser en priorité le mode fluvial.

Quels sont, selon vous, les principaux enjeux dans les années à venir pour le développement de la plateforme de Gennevilliers ?

Le premier enjeu, c’est de densifier. Aujourd’hui, nous sommes un port très horizontal. Demain nous devrons prendre du volume en construisant en hauteur ! Un premier projet d’entrepôt à étages a été inauguré en 2019. Il s’agit d’une première en France, qui offre la possibilité aux camions d’accéder à l’étage par une rampe. Nous avons depuis lancé des appels à projets pour des projets encore plus innovants. La problématique est identique pour le BTP : le stockage en silos permet de gagner en hauteur pour prendre moins de place.

La transition énergétique est également une évidence aujourd’hui : nous venons d’inaugurer la plus grande station bioGNV de France et nous développons actuellement un projet d’unité de méthanisation sur le domaine portuaire. Au-delà, la fusion des ports de l’axe Seine, qui prendra effet au 1er juin 2021 au sein du Grand port maritime d’Etat Haropa, permettra de proposer à nos clients logisticiens des offres de bout en bout, de la solution grand export amont jusqu’à la livraison du dernier kilomètre.

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