De l’importance du story-telling pour se projeter dans l’avenir post-carbone

Invité vedette des 5es Rencontres normandes du développement durable, Rob Hopkins a souligné l’importance, face au changement climatique, du story-telling et de l’imagination pour concevoir un futur désirable.

Pour accueillir le cofondateur du mouvement international des villes en transition, le Moho a dû pousser les murs. En effet, le terrain de basket de ce lieu dédié à l’innovation, transformé temporairement en salle de conférence, n’a pas suffi pour les plus de 400 personnes inscrites. Un autre espace a donc été aménagé pour retransmettre les échanges qui ont attiré un très large public dont des lycéens.

Le conseil régional de Normandie avait en effet choisi ce site tourné vers les projets à impact positif, situé en plein cœur de Caen (Calvados), pour ses 5es Rencontres du développement durable. A l’image du Moho, qui était par le passé une quincaillerie, a rappelé Hubert Dejan de la Batie, « il faut qu’on essaie de changer intelligemment », a affirmé en introduction le vice-président de la Région chargé de la transition environnementale et énergétique.

De g. à dr. : Johann Koullepis (animateur), Hubert Dejean de la Batie et Daniel Delahaye, vice-président de l’Agence normande de la biodiversité et du développement durable. © JAS

Le changement, s’il est « bien conçu, n’est pas brutal », a-t-il fait valoir, appelant à « démoder notre modèle », solution selon lui plus efficace que d’essayer de le détruire. « A nous de ne pas trop noircir le tableau, de trouver des solutions », a-t-il ajouté, soulignant la nécessité de « réponses complexes » à cette « situation complexe » du changement climatique qui impose « d’aller vite ».

« Le story-telling du changement climatique n’est pas assez fort »

Un message en accord avec celui délivré ensuite par Rob Hopkins, seul en scène ensuite pendant environ une heure pour une conférence animée et participative. Citant l’épopée du voyage sur la lune, et tout le mythe qu’il avait engendré bien avant que Neil Amstrong ne pose son pied dessus, le Britannique a mis en exergue le story-telling à ce sujet, qui a « créé le désir ». Or le « story-telling du changement climatique n’est pas assez fort », a fait valoir le Britannique qui considère que celui-ci arrive très rapidement et « nécessite de tout réimaginer ».

Rob Hokins seul en scène. © JAS

Mais les facultés d’imagination seraient en déclin. « Le fait que certains ne peuvent imaginer quelque chose, ne signifie pas que l’on ne peut pas le faire », a-t-il remarqué, appelant notamment à passer par l’art pour visualiser un futur bas carbone, par exemple quant à la manière dont la nature pourrait revenir dans des villes désartificialisées. « Toute solution pour l’avenir doit être ridicule, sinon elle n’est pas assez ambitieuse », a relevé l’ancien enseignant en permaculture, invitant le public à mener un exercice avec son voisin afin d’exprimer les idées les plus saugrenues.

Lieux, applications et pactes

Pour concevoir ce story-telling et imaginer l’avenir, Rob Hopkins estime qu’il faut notamment disposer d’espaces dédiés, de lieux où donner vie au changement, des applications concrètes et des pactes pour engager les acteurs dans des transformations. « Je préfère un discours avec une vision positive plutôt que des propos collapsologues », a-t-il indiqué.

Cette « nouvelle normalité » qu’il prône s’incarne dans sa ville de Totnes en Angleterre, point de départ du mouvement des villes en transition. Elle abrite en effet sa propre société d’énergie, un brasseur local qui compte 12 salariés et des projets de changement « rue par rue » qui permettent, au-delà des choix collectifs de transition, aux habitants de mieux se connaître. Une transformation des manières de faire qui ne saute toutefois pas aux yeux du visiteur, a-t-il prévenu.

Coopérer pour agir sur le système

En France, Samuel Aubin, directeur du collège des transitions sociétales, également invité des Rencontres du développement durable, accompagne les intercommunalités des Pays de la Loire dans leur transition en embarquant différents acteurs à plusieurs échelles. « Pour changer concrètement, il faut agir sur le système et actionner tout un tas de leviers, a-t-il relevé, or aucun acteur n’a la main sur tous ces leviers, il faut donc un saut qualitatif de coopération. » Son organisme travaille donc à déployer progressivement le programme défini en associant quelque 35 partenaires.

De dr. à g. : Samuel Aubin, Philippe Nantermoz, Rob Hopkins et Johann Koullepis. © JAS

S’agissant des entreprises, Philippe Nantermoz, ancien président du distributeur caennais de quincaillerie Legallais, estime qu’elles sont à la fois « la source du problème et la solution ». Lui sensibilise désormais les chefs d’entreprises à la nécessité d’agir. Si ceux-ci ont, comme l’ensemble Français, majoritairement pris conscience du réchauffement climatique, « ils n’ont pas fait la relation avec leur activité ».  Philippe Nantermoz essaie donc de les pousser à s’interroger sur l’impact du climat sur leur entreprise.

A l’issue de cette séance plénière, les participants ont pu découvrir les stands d’acteurs de la transition du territoire. L’après-midi a été l’occasion de participer à des ateliers, des balades ou d’assister à un spectacle. Des jeux sur la transition, la projection du film « Les Gardiens du climat » et une rencontre sur le thème « quel habitat pour demain en Normandie ? » ont également animé le reste de la journée.

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