Des visites pour sensibiliser aux crues de la Seine

Habitations, entreprises, réseaux d’électricité, de transport, d’eau ou d’assainissement : les crues de la Seine peuvent être redoutables pour les populations et l’économie du Grand Paris. Le dispositif Episeine organisait, le 23 octobre 2019, une balade sur les quais de Paris pour mieux diffuser la culture du risque.

1,45 milliard d’euros : tel est le montant estimatif des répercussions économiques des crues de la Seine et, dans une moindre mesure, de la Loire, en juin 2016 (1), selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Mais les dégâts se chiffreraient en dizaines de milliards d’euros en cas de crue équivalente à la crue centennale de 1910 : environ 30 milliards d’euros pour les dommages directs, auxquels s’ajouterait une réduction du PIB sur cinq ans de 58,8 milliards, estimait la même OCDE en 2014 (2). Car les grandes crues se sont produites bien avant que n’émergent les métropoles modernes, extrêmement sensibles au risque d’inondation.

La longueur du fleuve (plus de 700 km), le faible dénivelé de son parcours font que son niveau monte, et descend, très lentement. © Jgp

D’où l’initiative conjointe prise par l’établissement public territorial de bassin (EPTB) Seine Grands Lacs, la ville de Paris, les départements du Val-de-Marne, des Hauts-de-Seine et de Seine-Saint-Denis, la Région, la préfecture de région, celle de police, et l’agence de l’eau Seine Normandie en 2018 : « La création d’Episeine, un service public pour la sensibilisation des populations – individuels, entreprises, collectivités, etc. – au risque d’inondations de la Seine et de la Marne en Ile-de-France  », a expliqué Frédéric Molossi, président de l’EPTB.

Manque de préparation

Car la culture du risque est très insuffisante en Ile-de-France : 40 % des Franciliens estiment ainsi qu’aucun risque majeur de crue n’existe. Avec des conséquences dramatiques : un manque de préparation, physique et psychologique, lorsque les inondations arrivent. Et des mesures de prévention souvent insuffisantes. Pour mieux diffuser la connaissance de ce phénomène aussi vieux que le fleuve, Episeine organise donc des ballades urbaines, et forme gratuitement tous ceux qui souhaiteraient en organiser.

Celle du 23 octobre commençait au pont d’Austerlitz, au cœur du 5e arrondissement de Paris. Ici se trouve la station d’Austerlitz, qui mesure la hauteur et le débit du fleuve. Grâce à ces équipements, et à de multiples sondes et capteurs répartis en amont de la Capitale sur la Seine et ses affluents, le service de prévention des inondations de la DRIEE (direction régionale interdépartemental de l’environnement et de l’énergie) peut prévoir finement, trois jours à l’avance, la montée des eaux. « Car la cinétique de la Seine est lente », explique Marion Cauvin, chargée de mission prévention à l’EPTB Seine Grands Lacs.

La longueur du fleuve (plus de 700 km), le faible dénivelé de son parcours font que son niveau monte, et descend, très lentement. Avantage : les crues sont prévisibles, ce qui évite d’importantes pertes humaines. Inconvénient : la décrue peut prendre des jours, voire des semaines. En 1910, l’eau est restée quasiment deux mois sur le territoire. « Les dégâts matériels sont alors très lourds », poursuit l’experte.

Transports hors service

Car les crues n’affectent pas uniquement les riverains du fleuve. D’autant que les inondations se font certes par débordement du fleuve, mais aussi par remontée des nappes phréatiques, inondant caves, parkings et réseaux. « Lors de la prochaine crue majeure, un Francilien sur deux sera touché », explique Marion Cauvin. Impossible par exemple d’emprunter certaines routes et transports en commun. Le RER C, qui longe la Seine a été en 2016 le premier à fermer. Mais le RER A entre La Défense et Nation ne résisterait pas à une montée des eaux supérieure à 6,6 m (pour mémoire, la crue de 1910 a atteint 8,62 m), tout comme de nombreuses lignes de métro.

Les réseaux se retrouvent aussi hors d’état de fonctionner. La CPCU – le réseau de chaleur urbain de la Ville de Paris – a dû s’arrêter lors des crues de juin 2016 et, surtout, de janvier 2018, autrement dit en plein hiver. L’électricité, l’eau, l’assainissement sont également souvent mis hors fonction. De quoi paralyser une bonne partie de l’activité.

Murettes de protection

La métropole est certes protégée : à Paris, des murettes de protection le long du fleuve retardent son débordement. En cas de crue, des protections amovibles sont mises en place pour compléter le dispositif. Ces dispositifs existent aussi dans le Val-de-Marne, mais ils sont calibrés pour des crues inférieures, et donc moins efficaces. Les quatre lacs et réservoirs créés entre 1949 et 1990 sur l’Yonne, la Seine, l’Aube et la Marne, ont permis de réduire de presque 70 cm le niveau d’eau à Paris en 2018.

Frédéric Lelièvre représentait la préfecture de police et Colombe Brossel, adjointe à la maire de Paris. © Jgp

Mais d’autres mesures doivent être prises : selon la Caisse centrale de réassurance, le niveau de sinistralité par inondation sur le bassin est amené à s’accroître de 50 % dans les prochaines décennies si aucune mesure efficace n’est prise. Il s’agit notamment de restaurer des zones d’expansion des crues en arasant des merlons qui ont pu, au cours des années, être construits. Un vaste projet d’ouvrage de pompage est également prévu à la Bassée, en Seine-et-Marne.

Chaque acteur s’organise également de son côté, d’Enedis à la RATP, qui construit par exemple des ouvrages à proximité du pont d’Austerlitz. « Le risque d’inondation n’est pas virtuel. Et lorsqu’il survient, la gestion de la crise sera d’autant plus efficace que la confiance à l’égard des acteurs sera forte. D’où l’intérêt de la démarche Episeine », a commenté Colombe Brossel, adjointe à la maire de Paris en charge de la sécurité et de la prévention. « Pour ce faire, nous devons innover », a conclu Frédéric Molossi. Et de fait, Episeine présentera en novembre un escape game pour mettre les Franciliens en situation de gérer eux-mêmes un risque de crue !

 

(1) Mieux prévenir les inondations de la Seine en Ile-de-France, progrès réalisés et enjeux pour l’avenir– 2018

(2) Étude de l’OCDE sur la gestion des risques d’inondation – La Seine en Ile‑de-France – 2014

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