La démarche partenariale qui préside au développement de l’axe Seine s’exprime, certes, dans la contrat de plan interrégional (CPIER) entre la Normandie et l’Ile-de-France, mais également bien au-delà. C’est ce qu’ont rappelé les participants à la table ronde sur les coopérations organisée dans le cadre du 4e Sommet de l’axe Seine qui s’est déroulé le 10 octobre 2023 à la Maison de l’Océan à Paris.
Des coopérations, oui ! Mais à quelle échelle ? A l’occasion des groupes de travail organisés par le Journal de l’Axe Seine au début de l’été dans l’optique de la préparation du Sommet de l’axe Seine, la question avait été mise sur la table par la cheffe du service développement de la voie d’eau de Voies navigables de France (VNF), Juliette Duszinski. Une invitation à voir plus grand, au-delà de la vallée de la Seine, reprise au bond par Stéphane Bousquet, directeur territorial bassin de la Seine et Loire aval de VNF : « les fleuves s’affranchissent des périmètres administratifs, d’où une logique de coopération nécessaire ». Avec la mise en service programmée d’ici moins de dix ans maintenant, de la nouvelle connexion Seine-Escaut, cite en exemple le représentant de VNF, il faudra désormais évoluer sur une échelle « nationale, voire internationale » et plus seulement rester centré sur la vallée de la Seine.
Aller plus loin… vers la Seine amont !
Construits sur une logique de coopération, les Ceser (conseil économique, social et environnemental régional), rappelle Sylviane Delmas, présidente de la commission aménagement du territoire au sein du Ceser Ile-de-France, travaillent traditionnellement avec leurs voisins : ce fût le cas afin de dégager une position commune sur le projet de canal Seine-Nord-Europe avec les Ceser normand et Hauts-de-France puis, plus récemment, sur la question des franges, ces zones tampons entre deux régions, avec le Ceser Centre Val-de-Loire. Mais, reconnaît Sylviane Delmas, « on pourrait aller plus loin […] vers la Seine amont » comme avec le voisin normand, notamment sur cette question des franges à l’heure où les deux régions finalisent leurs schémas d’aménagement respectifs (Sdrif-e et Sraddet).
Pour l’opérateur EDF, les perspectives « fabuleuses du fluvial », notamment en termes de décarbonation, offrent clairement des opportunités de coopérations, explique Marc Gendron, délégué innovation et prospective territoriale Ile-de-France. « Quand on construit une centrale nucléaire ou bien un parc photovoltaïque, on ne construit pas tout seul, le partenariat fait partie de notre ADN ». Une méthode que l’énergéticien a mis à l’épreuve dans le cadre du projet « Bords de Seine durables » sur le territoire de la communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise (GPSEO) à Limay-Porcheville (Yvelines). Un site qui abrite encore la centrale fermée en 2017 par le groupe EDF, emprise sur laquelle l’énergéticien travaille avec Haropa port « sur une feuille de route de la décarbonation des infrastructures du port », dixit Marc Gendron.
En matière de décarbonation industrielle, d’ailleurs, EDF travaille avec un cluster d’entreprises locales pour identifier les ressources utilisées par les entreprises, regarder leurs besoins, étudier leur potentiel photovoltaïque ou encore les problématiques de récupération de chaleur fatale. Pour boucler la boucle, un groupe de travail a été mis sur pied afin de « réduire l’empreinte carbone du territoire ».
L’essentiel, relève Stéphane Bousquet, reste « de se réunir autour d’une ambition commune, autour des atouts du fleuve », en profitant de cette « très forte envie de fluvial » qui émerge.
L’anecdote révèle, estime le conseiller régional normand Jonas Haddad, le pouvoir d’attraction du CPIER : « assez récemment, le département de l’Orne a demandé à faire partie de la concertation sur l’élaboration du nouveau contrat de plan ». Un symbole, estime l’élu, de la perception qu’ont les acteurs du territoire de l’intérêt d’engager une telle démarche de coopération, a fortiori dans un département sans connexion à la Seine. Pourtant, si les sujets d’intérêt commun sont nombreux, les Régions n’oublient jamais de défendre leurs positions, quitte à froisser le voisin. Parmi les nombreux sujets débattus à l’occasion de la finalisation du prochain CPIER (contrat de plan interrégional) entre les régions Normandie et Ile-de-France, la question ferroviaire est toujours et encore centrale avec la concrétisation du projet de la LNPN, la Ligne nouvelle Paris Normandie. Les déclarations de Valérie Pécresse en avril dernier, affirmant son opposition au projet, ont surpris des Normands qui comptent sur le « saut de mouton » leur permettant d’enjamber les voies franciliennes pour fluidifier les lignes régionales.
Olivier Blond, conseiller régional d’Ile-de-France, s’il confirme l’accord de la Région pour « accompagner la Normandie sur des études » afin de trouver une solution alternative, estime cependant impossible « de déconnecter deux lignes franciliennes pendant deux ans » afin de réaliser les travaux nécessaires aux normands. Le débat est donc loin d’être tranché, même si le délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, Pascal Sanjuan, confirme que dans les discussions qui s’engagent, « on mettra tout sur la table ! »