LNPN : le blocage francilien suscite l’incompréhension normande

Alors que les Franciliens demandent notamment un arrêt à Mantes de la Ligne nouvelle Paris-Normandie, les Normands font part de leur incompréhension face à l’opposition de Valérie Pécresse au projet.

Les déclarations de Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, le 5 avril 2023 lors de l’inauguration de la gare de Mantes-la-Jolie (Yvelines) ont fait l’effet d’une mauvaise surprise en Normandie. Le vieux projet de Ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN) semblait pourtant reparti avec les avancées récentes sur les sections prioritaires (Paris-Mantes et Rouen-Barentin) et les choix sur la nouvelle gare de Rouen.

« Ce projet n’a aucun intérêt pour les Franciliens, il ne vient créer que des nuisances supplémentaires », affirme au Journal de l’axe Seine Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président du conseil régional d’Ile-de-France chargé notamment du schéma directeur de la région. En cours de révision, ce schéma – qui doit projeter le territoire jusqu’en 2040 – ne devrait donc pas prévoir de nouveaux sillons pour la LNPN, notamment car il prône la sobriété foncière alors que ce projet impactera les terres yvelinoises, souligne l’élu.

Jean-Philippe Dugoin-Clément. © Jgp

Desserte de Mantes

« Le tracé va consommer des terres agricoles en Ile-de-France », abonde Richard Delepierre, vice-président du conseil départemental des Yvelines chargé des mobilités, « un sujet sensible » sur lequel il y a un « changement de posture générale ». Et qui fait l’objet d’opposition des agriculteurs, bien que le tracé précis ne soit pas encore arrêté. Certains connaisseurs du dossier rappellent pourtant les intérêts de la nouvelle ligne pour l’Ile-de-France qui, en allégeant les voies existantes, renforcera la fiabilité du RER E.

Autre aspect qui semble cristalliser les tensions entre Franciliens et Normands : la desserte de Mantes par les trains circulant vers ou de la Normandie. « Il n’est pas question que les trains passent sans s’arrêter, insiste Richard Delepierre, c’est une question d’attractivité du territoire. » Et d’ajouter : « L’amélioration de la desserte de la province ne doit pas se faire au détriment de la grande couronne. » Des postures normandes autour de certains projets impliquant les deux régions auraient visiblement créé quelques crispations côté francilien.

Voies au départ de la gare Saint-Lazare à Paris. © Jgp

« Tout le monde a été un peu surpris » par les propos de Valérie Pécresse, confie un des pilotes de l’opération, qui fait valoir que les comités de pilotage se sont déroulés jusqu’ici sans opposition des Franciliens.

Sollicitée, la région Normandie n’a pas souhaité réagir. Le conseiller régional (groupe Normandie terre d’avenir représentant la majorité présidentielle) François Ouzilleau, également maire de Vernon (Eure), a en revanche écrit un courrier à la présidente de l’Ile-de-France dans lequel il évoque notamment les conséquences du chantier du prolongement du RER E (Eole) sur les circulations des lignes normandes. « Je déplore les prises de position de la région Ile-de-France et l’absence de concertation avec la région Normandie pour la mise en œuvre de solutions à l’égard des usagers du train subissant régulièrement les conséquences du projet Eole », écrit-il. Dans un autre courrier adressé à Hervé Morin, il appelle le conseil régional à « prendre position contre les propos tenus par Valérie Pécresse ».

« Un projet ambitieux » pour l’axe Seine

Le président de la CCI Normandie Gilles Treuil estime pour sa part « dramatiques » les déclarations de la présidente de l’Ile-de-France. « Sur l’axe Seine, il faudrait un projet ambitieux pour développer la décarbonation, fait-il valoir, la LNPN est un élément de développement de la Normandie et de l’Ile-de-France répondant au souhait des habitants de travailler à distance avec de nouvelles habitudes de vie. »

Gilles Treuil. © David Morganti

L’Association pour la promotion des mobilités ferroviaires normandes déplore quant à elle que la « région subit une nouvelle fois un refus de l’Ile-de-France de jouer la complémentarité territoriale pourtant indispensable au développement de la Vallée de la Seine ». Refus qui s’ajoute « à celui de participer au financement du saut de mouton en avant-gare de Paris Saint Lazare », déplore-t-elle avant d’appeler à « une mobilisation des forces vives normandes ».

« Ce projet n’est pas la priorité de grand monde côté francilien, que ce soit la Région ou l’Etat », observe Richard Delepierre. Du côté de l’Etat, la LNPN fait toutefois bien partie des projets pour les années à venir et il est prévu qu’il soit inscrit au Sdrif, document sur lequel la préfecture de région sera amenée à se prononcer. Le sujet fera partie des discussions sur le prochain contrat de plan interrégional Etat-Régions (CPIER) Vallée de Seine qui doit assurer le financement des études. Ce ne serait pas la première fois que la présidente de la région Ile-de-France débute des négociations avec l’Etat en menaçant de ne pas mener un projet…

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