La Seine comme un socle du Havre à Paris

Réunis à Versailles à l’occasion de la Biennale d’architecture et du paysage 2022, architectes, paysagistes et géographes ont débattu le 31 mai 2022 de l’identité paysagère de l’axe Seine. Urbain ou rural, harmonieux ou disgracieux : si le décor séquanais interroge plus que jamais le rapport de la population à la terre et à l’eau, son héritage pose également question.

Le fleuve traversant l’Ile-de-France et la Normandie influe sur l’identité des deux régions qu’il rend solidaires. Forts de ce constat, et à l’occasion de la Biennale d’architecture et de paysage 2022, Hélène Bouisson, architecte et conseillère au CAUE des Yvelines, Michel Hoessler, paysagiste cofondateur de l’agence Ter, et Alexis Pernet, géographe et paysagiste, ont échangé le 31 mai à Versailles lors d’une table ronde menée par Laurent Perrin de l’Institut Paris Region à propos de la Seine et de ses potentialités. Par quatre itinéraires photographiques illustrant la Vallée de la Seine dans sa pluralité, les intervenants ont d’abord rendu compte de la dimension industrielle du fleuve.

De g. à dr. Alexis Pernet, Hélène Bouisson, Michel Hoessler et Laurent Perrin. © JAS

C’est avec une prise de vue du port de Gennevilliers au soleil couchant qu’Hélène Bouisson a commencé son argumentaire. « Il s’agit de la première plateforme multimodale d’Ile-de-France, une méga machine horizontale. Le fleuve a une dynamique portuaire industrielle et logistique qui se devine au va-et-vient des péniches, camions et matières », rappelle-t-elle avant d’enchaîner sur une photographie présentant la réserve naturelle régionale de la Boucle de Moisson, dans les Yvelines. Là, tout un écosystème s’équilibre. L’espace que l’on connaît aujourd’hui résulte de nombreuses évolutions successives : zone marécageuse à l’origine, ensuite territoire de viticulture et de maraîchage, il accueille à la fin du XIXe siècle une usine de fabrication de ballons dirigeables puis un jamboree scout avant d’être exploité par la Compagnie des sablières de la Seine. Le domaine est racheté par la Région en 1992. De fait, nature et industrie coexistent dans cet environnement depuis près de 300 ans. Sur la rive externe, à une poignée de kilomètres à l’ouest se dresse le château de la Roche-Guyon (Val-d’Oise).

« La courbe du méandre imprime la structure géomorphologique du territoire », commente encore Hélène Bouisson qui conclut sur la centrale thermique de Porcheville fermée en 2017. « Une nouvelle alliance est à inventer, construire et célébrer. D’un département à l’autre, d’une rive à l’autre, ces figures dialoguent, se superposent et cohabitent de telle sorte qu’il est bien difficile de les démêler. »

Concilier nature, biodiversité et activités humaines

Mieux concilier nature, biodiversité et activités humaines, tel semble être le défi à venir. « Sur une dizaine d’années, l’agence Ter a porté quatre projets importants qui se sont succédé d’amont en aval », a expliqué Michel Hoessler, citant le parc des Cormailles à Ivry-sur-Seine, celui du Peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy, celui des Docks à Saint-Ouen et le parc inondable du Trapèze à Boulogne-Billancourt face à l’île Seguin. « Il convient de réfléchir à une dynamique fluviale. La Seine est un fleuve mais aussi une vallée. Considérer cet espace comme un objet purement géographique, c’est passer à côté de son histoire. »

Alexis Pernet s’interroge quant à lui sur l’héritage du territoire, en particulier côté normand. « Le schéma nucléaire français délaisse aujourd’hui les fleuves. Or, la Normandie est un réceptacle volontaire pour les équipements nucléaires. A travers l’usine de Porcheville, nous évoquions le cas de ces grands équipements de fabrication de l’énergie qui ferment. C’est également ce qui arrive avec la centrale thermique du Havre. » L’avenir de ces espaces se pose donc, bien que, de l’avis du géographe, la Seine doive rester le théâtre du redéploiement du tissu industriel.

Sur le même sujet

Top